Point Presse Qualité de Vie au Travail

Construire une équipe avant de faire un team building

Un team building ne peut pas développer un esprit d’équipe si l’équipe n’existe pas.

Dans le cadre de votre travail vous avez participé à un escape Game ? Une soirée bowling ? paintball ? accrobranche ? Uno  ? Le tout organisé par vos managers reconvertis en Gentils Organisateurs du jour. Si oui lisez la suite, si non lisez la suite.

L’objectif est le resserrement des liens sociaux au sein d’un groupe de personnes appartenant à une entreprise ou à une institution. Il s’agit d’améliorer l’ambiance pour créer des conditions favorables au travail.

Je voudrais mettre l’accent sur le mot resserrement avant de me jeter sur l’importance vitale des liens sociaux. Car il s’agit de venir resserrer, rapprocher, concentrer ce cercle de salariés dont vous faites peut-être partie, et là, vous de vous dire mais quel cercle ? Voilà la bonne question !

Lola, en BTS en alternance, est arrivée en septembre dernier et vous êtes sa tutrice, tâche pas évidente car l’année 2020 2021 était “un peu” agitée et on a peu mis les pieds au bureau. Christine est là “depuis le début” comme elle dit alors bon on a du mal à savoir si c’est depuis les nouveaux locaux en 97 ou si c’est depuis la fondation datant la naissance de l’arrière grand-père du dirigeant en 1812….

Sébastien, lui, est de votre génération alors vous vous entendez bien, même si c’est un peu différent depuis qu’il est devenu votre N+1 manager happiness proximité adjoint – rapport au fait qu’il avait un an d’ancienneté de plus que vous et que “bon vous êtes tout de même assez émotive c’est dans votre test Géraldine, c’est comme ça c’est comme ça”. 

Puis bien sûr il y a Marie-Laure, et là rien à dire c’est vraiment une super collègue et puis toujours là avant tout le monde et la dernière à partir, c’est dire si son boulot c’est sa vie. Admirable. 

Et le dernier et pas des moindres Tanguy, qui est là mais pas vraiment…comment dire…c’est Tanguy quoi, il s’occupe principalement de tout ce qui est rapport au process et surtout il aime tout qui est tableau Excel.

Et donc voilà Géraldine, Christine, Lola, Marie-Laure, Tanguy et Sébastien qui avaient comme lien de base de réussir, une fois par semaine, à prendre le café ensemble et qui, depuis l’arrivée du C….19, se sont vu imposer un “café teams” par jour pour faire un point avec tous les aléas qui nous ont tous passionnés : du “ma cam bug” – parce que j’ai plus de gel dans le pot – au “je vous entends pas alors j’écrirai dans le chat mes interventions marquantes et participantes “bonjour tout le monde” “bonne journée bon courage”…

Quel courage il faut oui… MAIS BON TOUJOURS PAS D’ÉQUIPE EN VUE, et non même si Géraldine se présente comme faisant partie de l’équipe logistique quand elle parle de son job, même si Sébastien a organisé en octobre 2018 un team building laser Game – parce qu’il commençait à y avoir de l’eau dans le gaz – et que “tout le monde” était venu – vu que c’était un jeudi après-midi sur le temps de bureau. Même si Marie-Laure a fait des cookies l’autre fois quand on a dit que ça y est “on” revient au bureau et que Tanguy a envoyé à tout le monde le tableau Excel participatif modulable des jours prioritaires à choisir en télétravail.

le médiateur

1- Ils travaillent tous au même endroit et quand ça n’est pas le cas ils sont liés quotidiennement par les liens sacrés de Teams, Zoom, Skype. 

2- Depuis le team building ils savent que Sébastien est sensible du dos parce qu’il s’est fait un tour de rein au bout de 10 minutes de jeu. Ils savent que Géraldine est mauvaise perdante parce qu’elle n’a pas gagné. Ils savent que Tanguy les “trucs d’équipe comme ça ne le passionne pas” – qui pourrait le lui reprocher ? – Ils savent que Christine ça a été parce que soit elle ne disait rien, soit quand on lui demandait «ça va tu t’amuses ?» elle répondait « oui oui ça change »- mais le changement Christine elle n’aime pas. Et enfin ils savent que Marie-Laure…et bien en fait ils ne le savent pas trop mais le vendredi elle avait fait des crêpes et ça c’est sympa.

3- Lola quant à elle “s’intègre bien” et lorsqu’il peut y avoir des difficultés de communication c’est de toute façon normal parce que c’est une question de génération, sûrement, peut-être, vu qu’elle est plus jeune que le reste de la “pas équipe”.

Pourquoi ça n’est pas une équipe ? Alors que ça y ressemble car on a des individus qui travaillent pour la même entreprise, dans le même bureau, depuis plusieurs années.

On ne peut pas parler d’équipe parce qu’à aucun moment on ne s’est penché sur leur façon de travailler ensemble et je ne parle pas du process, du mécanisme, je parle de ce qui se passe vraiment entre les individus, je parle du lien social au sein de ce groupe de personnes.

Je veux caricaturer un exemple avec nos personnages et lever un voile de réalité.

team building

Géraldine a postulé pour être manager happiness proximité adjoint et elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle ferait mieux que Sébastien à sa place, elle en parle d’ailleurs très souvent à Lola qui pense comme elle. Enfin c’est ce qu’elle dit à Géraldine parce que c’est sa tutrice, qu’elle n’aime pas qu’on n’aille pas dans son sens et puis qu’il est hors de question qu’elle foire sa 1ère année. 

team building

Sébastien, lui, n’a pas postulé et ne sait même pas d’ailleurs que Géraldine voulait ce poste. Depuis qu’il est manager il finit plus tard mais heureusement Marie-Laure lui donne un coup de main de “temps en temps” pour compléter le tableau de bord et 2 ou 3 dossiers spécifiques. 

team building

Et Marie-Laure ça lui plaît de rendre service comme ça chaque fin de journée – même si bien sûr ça ne doit pas s’ébruiter. Et puis ça nourrit sa curiosité de voir tous les chiffres de ses collègues, c’est d’ailleurs comme ça qu’elle sait que Tanguy se la coule douce alors que tout le monde sait qu’il a le même salaire que Sébastien. 

team building

D’ailleurs quand Marie-Laure en parle à Christine, des fois, lorsqu’elles restent plus tard le soir, ça la met en boule Christine, c’est pour ça qu’elle ne lui dit quasiment plus bonjour à Tanguy le matin. Et il n’est pas rare de l’entendre dire un peu fort  “c’est pas comme ça qu’on travaille ici”, pour qu’il l’entende, histoire que ça le fasse réagir tout de même. 

C’est peut-être ce qui a fait que Tanguy ne dit plus bonjour non plus le matin, mais bon il est spécial Tanguy toujours dans ses tableaux Excel, c’est sa nature d’être renfermé. 

 

De toute façon Sébastien a prévu un point cadrage avec lui pour parler de son comportement, c’est dans son agenda, Marie-Laure l’a vu, ça va remettre les choses en place. C’est en parlant de ça que Géraldine a su que Sébastien déléguait à Marie-Laure, ce qui l’a terriblement vexée parce qu’il doit bien se rendre compte qu’elle a besoin de diversifier son job. “C’est bon je ferai le strict minimum maintenant” qu’elle s’était dit d’ailleurs… comme Tanguy qui n’a plus le goût au travail depuis qu’il a postulé au poste de manager happiness proximité adjoint. Ce jour-là, tout ce que le responsable de service a gardé de sa démarche, c’est le tableau de bord de gestion de management – que Sébastien ne prend pas le temps de gérer mais qui ravit Marie-Laure même si ça la fait rentrer de plus en plus tard “c’est comme ça le travail c’est fatiguant, et si tu n’es pas complètement fatigué c’est que tu n’a pas complètement travaillé” que disait son père – au siècle dernier…

C’est ça la vraie vie au travail de Géraldine, Christine, Lola, Marie-Laure, Tanguy et Sébastien. 

On me demande pourquoi ce choix de mots pour mon concept de “Meilleure Entente Professionnelle Possible” car il paraît peu ambitieux de ne viser que le possible, de ne viser qu’une entente. Et bien à la lumière de cet exemple, pas si loin de la réalité, vous comprendrez toute l’humilité qu’il faut pour aborder ces sensibilités en friction et cette “Trans apparence”  de liens.

Ici chaque salarié vient au bureau, fait un travail, co-vit avec les autres de son groupe. Les liens naturels transparents s’effilochent au fur et à mesure qu’ils sont tiraillés. Jusqu’au jour où est lancée la 1ère alarme d’eau dans le gaz. Alors on s’affole, on s’agite, la toile fragile est mise de nouveau à rude épreuve. Et plutôt que de venir doubler ces fins liens à grand renfort de cohésion structurelles et humaines, certains se voient forcés de participer à une épreuve physique, d’autres se retrouvent en compétition, d’autres sont confrontés à être en binôme avec le collègue qu’ils apprécient le moins. 

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Toutes ces contraintes sous couvert de développer l’esprit d’équipe.

Les liens naturels fragiles, érodés par l’eau dans le gaz, sont contraints à résister pour une seule et unique entité “l’équipe”. Voyez-vous le paradoxe ? Quel sentiment d’appartenance à un groupe peut être développé et s’épanouir dans la contrainte ? Cette contrainte à être ensemble avec de surcroît dans cette décennie cette injonction au bonheur au travail.

Imaginez un puzzle que vous regardez de loin et le paysage représenté est beau. Puis, plus vous vous rapprochez plus vous vous apercevez qu’il y a des espaces entre les pièces, que les pièces ne sont pas à leur place mais qu’en appuyant fort sur chacune cela a fini par s’imbriquer par contrainte et ça tient et de loin c’est beau. 

Mais de près les pièces sont plissées, le décor s’est décollé sur les coins et puis non seulement ça n’est pas beau, tant pis pour ça, mais surtout ça ne ressemble à rien et on voit bien que dans le temps ça ne tiendra pas… regardez les coins abîmés de toutes parts, combien de temps avant qu’ils tombent ?

Un puzzle n’a pas d’avenir si on n’apporte pas un soin particulier à traiter chaque pièce non seulement à sa juste place mais surtout à sa juste valeur individuelle en tant que pièce unique.

Une équipe n’a pas d’avenir si on ne prend pas soin de porter un intérêt primordial à l’individu.

Pourquoi ? Car chacun sera toujours centré sur ses irritants individuels non traités.

La bonne volonté qu’il y a derrière la mise en place de team buildings est louable – pour en avoir vécu – cependant il s’agit juste d’un outil. Si aucun travail d’accompagnement n’a été fait pour que chaque individu soit un maillon solide, votre chaîne, votre cercle, votre équipe restera sans rebond à la suite d’un team building. Vos salariés ne verront pas leurs conditions de travail améliorées, aucun sentiment d’appartenance à un groupe n’émergera, la productivité, leur performance n’en seront pas bouleversées. L’ambiance ne sera pas meilleure, voire au contraire si aucune changement tangible n’est mis en avant. Restera le souvenir d’un moment de convivialité.

Lors de mes interventions en psychosociologie j’effectue des entretiens individuels qui me permettent en un temps assez court – une heure généralement – de relever ces irritants professionnels qui accaparent le salarié et nourrissent un esprit individualiste. 

Il s’agit souvent de désagréments organisationnels, d’interprétations, de défauts de communication. Chacun de ces irritants encombrants mis au jour et solutionnés ensemble – au cours d’un atelier collaboratif -, est autant d’espace mis à la disposition du collectif.

Ce type d’évènement centré sur le métier de chacun transforme un groupe en équipe. 

J’ajouterai qu’il y a un lien de gratitude qui se crée entre les membres du collectif pour avoir réussi ensemble à résoudre les obstacles de chacun. Il s’agit là pour moi du TEAM BUILDING FONDATEUR. 

L’équipe fait sens professionnellement dans un intérêt collectif dont chacun bénéficie individuellement.

L’ambiance positive qui ressortira de ces zooms individuels et ateliers collectifs instigués par un tiers extérieur neutre, sous couvert d’une charte de confidentialité, sera pérenne.